Sophie Minet : « Sans la résidence d’écriture, je n’aurais pas pu réaliser ce projet »



Passionnée d’histoire calédonienne et du patrimoine humain, Sophie Minet professeure des écoles décide il y a un an de se tourner vers un tout autre métier : biographe. Cette idée lui est venue lorsqu’elle travaillait à mi-temps dans les maisons de retraite tout en exerçant en tant qu’enseignante. Le projet pour lequel elle est lauréate de la résidence d’écriture au Château Hagen met en lumière 12 femmes calédoniennes aux parcours atypiques. Sans le soutien de la Province, l’auteure affirme qu’elle n’aurait pas pu réaliser ce projet qui lui tient à cœur.


Après 18 ans de bons et loyaux services dans l’enseignement, Sophie Minet a eu envie de passer à autre chose. « Ma carrière a évolué, j’ai eu l’opportunité de me former en enseignement spécialisé, puis en art thérapie. Les dernières années, tout en étant à mi-temps dans la fonction publique, j’ai travaillé avec des personnes âgées dans les maisons de retraite, notamment avec celles qui étaient atteintes d’Alzheimer. » C’est là qu’elle prend conscience de l’importance de la mémoire et de laisser une trace. « Toutes ces personnes quand elles partent, il n’y a plus aucune trace et ce patrimoine humain, pour moi, il est vraiment précieux. » En parallèle, Sophie Minet était bénévole dans l’association pour la Qualité de vie du patient et visitait des personnes en soin palliatif. « On allait au chevet des malades, on leur parlait. Les gens racontent leur vie et éprouvent ce besoin de faire un bilan. Le récit de vie revêt une importance pour eux. »

C’est forte de toute cette expérience qu’elle décide de se mettre en disponibilité début 2023 pour se consacrer au métier de biographe. Avant cela, elle s’était formée à distance avec le Groupement des Écrivains-Conseils, une association nationale de professionnels de l’écriture pour autrui. « La plupart des personnes qui font appel à mes services sont des personnes âgées, parfois ce sont les enfants qui veulent offrir un cadeau à leur grand-parent. »

12 femmes calédoniennes à l’honneur

Le projet d’écriture pour lequel, Sophie est lauréate de la résidence d’écriture met en lumière 12 portraits de femmes calédoniennes. Avec ce livre, elle souhaite sortir des sentiers battus et proposer quelque chose qui se rapproche plus de la nouvelle que de la biographie. « Ce sont des textes courts mais le challenge sera de dépasser le côté biograhique. Ce n’est pas de la fiction mais l’objectif est de raconter une histoire avec une intrigue qui fait voyager le lecteur. » Sophie Minet a choisi ces 12 femmes toutes disparues aujourd’hui, parce qu’elles ont « osé » à des époques où les femmes étaient encore cantonnées pour la plupart, aux rôles de mère et d’épouse. D’une certaine manière, ce sont des pionnières qui ont ouvert la voie à d’autres et œuvré dans l’ombre. « Ce sont des femmes qui ont fait beaucoup de choses en toute humilité et méritent qu’on leur rende hommage. »

Et pourquoi des femmes ? L’auteure explique : « En faisant mes recherches je me suis rendue compte qu’il y a très peu de trace de femmes. Un truc tout bête, les noms des rues et même la page Wikipédia sur les personnalités calédoniennes est occupée à 90 % par des hommes. Où sont les femmes ? Donc, c’était un parti pris de parler des femmes. »

Parmi ces femmes, il y a sœur Caro, mamie Fogliani, Jaqueline Sénès journaliste, Lucie Lods la première femme médecin, ou encore Marie Olhen, sage-femme qui allait à cheval accoucher des femmes en tribu.

Sophie avait déjà réalisé un travail de recherche sur la plupart de ces femmes, parce qu’elle a été lauréate en 2023 du prix Women in tech organisé par le gouvernement. Intitulé « Femmes du Caillou », ce projet consistait à réaliser une plateforme digitale qui met en lumière 42 figures calédoniennes emblématiques de Nouvelle-Calédonie, ainsi qu’un jeu de 7 familles. Ce projet de livre s’inscrit dans la continuité de ce qu’elle avait déjà entamé.

 

Des inspirations pour les jeunes

« Si cette résidence n’existait pas, ce livre n’aurait jamais vu le jour et le projet serait resté au fond d’un tiroir. Et le fait que cette résidence soit portée par la Province a plus de sens pour moi parce que c’est mon ancien employeur qui m’offre cette chance », affirme-t-elle. Des conditions « idéales » pour se consacrer entièrement à l’écriture. « J’ai un bureau et je suis payée ce qui me permet d’être à fond dans mon projet. Sans ça, cela aurait été impossible de dégager du temps et de l’argent. »

Sophie espère finir les premiers jets à la fin de la résidence d’écriture pour solliciter l’aide à l’édition de la province Sud. Si tout se passe bien, le livre sortira en fin d’année ou début 2025.

Avec cet ouvrage, l’auteure souhaite infuser un questionnement. « Chacune des 12 femmes ont laissé une petite graine à sa descendance. Cela vient aussi nous interroger en tant qu’être humain : qu’est-ce qu’on fait de notre passage sur terre ? L’idée est que ça serve à notre jeunesse. Les récits ne sont jamais faciles mais ce que je veux montrer aux jeunes, c’est que quand on croit à ses rêves et qu’on se donne les moyens, on peut y arriver !»


©DDeclick photographie – Audrey Dang pour la Maison du livre.

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