Tel un tsunami, l’onde choc provoquée par l’insurrection du 13 mai n’a pas tardé à plonger le territoire dans une crise inédite. Des entreprises, des infrastructures mais aussi des écoles et des maisons ont été incendiées. De cette folie destructrice et aveugle, les citoyens en sont les véritables victimes. Alors que l’état d’urgence a été déclaré par Emmanuel Macron, le Président de la République le 15 mai, la province Sud a rapidement mobilisé ses équipes pour parer au plus pressé. Parmi les aides déployées, plusieurs opérations de distributions alimentaires ont été organisées. Une cellule de crise s’est ouverte avec la mise à disposition d’un numéro vert pour répondre aux inquiétudes de la population et des chefs d’entreprise. Retour sur cette mobilisation d’urgence de mai à juin.
Après les exactions du 13 mai, l’un des premiers problèmes qui s’est posé concernait le ravitaillement alimentaire. Certains magasins ont été brûlés et pillés, d’autres étaient fermés pour des questions évidentes de sécurité. Des zones étaient inaccessibles en raison des barrages d’émeutiers. Si les habitants du sud de Nouméa pouvaient se ravitailler dans les épiceries de quartiers, quelques boulangeries et grandes surfaces ouvertes aux horaires aménagés, a contrario, des administrés isolés en raison de la situation insurrectionnelle se sont retrouvés dans l’impossibilité de nourrir leur famille. Cette situation a frappé encore plus durement les populations déjà fragiles avant la crise.
Le 19 mai, une équipe composée de volontaires s’est mobilisée de toute urgence pour la distribution de denrées alimentaires. En dépit du danger inhérent à la situation insurrectionnelle, la province Sud a estimé qu’il était de son devoir de venir en aide aux personnes les plus impactées. Ainsi, du 19 au 26 mai, les distributions ont été effectuées à Tontouta, Katiramona, Païta, Sheffleras, Dumbéa, Tamoa et Nouméa.
Distribution de denrées alimentaires
Une centaine de familles ont pu bénéficier des distributions alimentaires
- 1,5 tonnes de riz, 750 kg de pâtes, 500 kg de sucre et 300 kg de farine
- 2500 boîtes de conserves
- 921 couches bébé distribuées
- 252 boîtes de lait infantile
- 1 000 kg de légumes frais
- 400 lots de serviette hygiéniques et 240 savonnettes
Silipeleto Muliakaaka, chargé d’études à la direction provinciale de l’Emploi et du Logement
« On voyait la joie et l’espoir dans leurs yeux »
« Nous étions de 7 volontaires pour cette mission de distribution de denrées alimentaires. C’était assez dangereux car il fallait éviter certains barrages en feu. On a notamment reçu des coups de hache et de barre de fer sur la carrosserie de notre camionnette. Par moment, on avait la boule au ventre de passer les barrages où plus d’une quinzaine d’individus potentiellement dangereux étaient présents. Sur le pont à la sortie de Païta, on s’est retrouvé en plein échanges de tirs entre les émeutiers et les forces de l’ordre, on a dû rebrousser chemin en prenant la Savexpress en sens interdit ! Je crois que ces tournées de distributions alimentaires resteront à jamais gravées dans nos mémoires. Mais ce qui faisait chaud au cœur lorsqu’on arrivait sur les lieux de distribution, c’était de voir la joie et l’espoir dans les yeux des habitants. Ils nous remerciaient et demandaient si on revenait le lendemain. Cette mission m’a donné l’opportunité de participer activement à l’entraide et à la solidarité en cette période difficile pour la population calédonienne. »
Assistance aux touristes bloqués sur le territoire et aux habitants évacués
Suite à la décision du Haut-commissaire de la République de fermer l’aéroport international de La Tontouta, les vols internationaux ont été suspendus à partir du 14 mai. Des touristes se sont alors retrouvés dans l’impossibilité de rentrer chez eux. Durant cette période, la collectivité a hébergé 30 touristes en attente d’un rapatriement international. Une cellule de crise montée en toute urgence s’est chargée de la coordination et de l’accompagnement de ces touristes. Elle a également participé activement aux côtés de l’équipe du haut-commissariat à leur rapatriement, ainsi qu’au rapatriement de ceux qui étaient bloqués sur l’Île des Pins.
En ce qui concerne les problématiques de mobilité, la collectivité a organisé des rotations maritimes pour acheminer des personnes de Nouméa vers les communes de l’intérieur de la Province. De plus, collaboration avec la province Nord, elle a procédé au rapatriement de ses ressortissants de Koné vers Nouméa.
Les exactions ont touché durement certaines familles des quartiers pris pour cibles par les émeutiers comme à Kaméré où des maisons de particuliers ont été brûlées, pillées, vandalisées. Ces familles ont pu être relogées temporairement suite à leur exfiltration.
Aide d’urgence pour les ressortissants de la province Sud bloqués à l’extérieur du territoire
La fermeture de l’aéroport international de La Tontouta touche aussi des Calédoniens qui se retrouvent bloqués à l’étranger et en métropole. Pour répondre aux difficultés rencontrées par les voyageurs impactés, la province Sud a apporté une aide financière exceptionnelle forfaitaire à ses ressortissants les plus précaires.
1589 personnes ont bénéficié de cette aide, pour un montant total versé de 7 690 000 F.
Ouverture d’une cellule de crise pour répondre aux questions les plus urgentes
À partir du 22 mai, la Province a monté une cellule de crise ouverte 7 jours sur 7 en continu. Celle -ci a été opérationnelle pendant 3 semaines au plus fort des émeutes. La province Sud est la seule collectivité à avoir maintenu durant cette période une continuité de service public. Sur le numéro vert, une dizaine d’agents provinciaux se sont relayés pour répondre aux questions des particuliers et des chefs d’entreprises. Ce centre d’appels répondait non seulement aux inquiétudes des personnes mais renvoyait également vers les services compétents si nécessaire. Sa mission consistait à renseigner la population souvent en détresse, sur les questions d’accès aux soins et aux magasins alimentaires, aux navettes maritimes et aux moyens de transports à Nouméa, dans l’agglomération et les communes de l’intérieur. Elle renseignait également sur les aides exceptionnelles pour les petites et moyennes entreprises impactées.
Au total, la cellule de crise a géré 1527 situations individuelles, souvent des cas de détresse absolue.
Soutien médical et psychologique
Alors que le Médipôle était rendu inaccessible par les émeutiers, que le CMS de Kaméré a été incendié et que beaucoup de cabinets médicaux n’avaient pas rouvert, il était urgent d’apporter une réponse aux besoins médicaux de la population. Jean-Baptiste Friat, le directeur de la DPASS revient sur cette mobilisation provinciale : « L’objectif était de pouvoir ouvrir le plus rapidement possible un centre de soin après une semaine d’émeutes qui avaient mis à mal l’offre de soin privée et publique et la santé des populations. Nous avions également à cœur de pouvoir proposer une réponse complète avec l’ensemble des métiers et professionnels présents dans les équipes provinciales : infirmières, puéricultrices, sage-femmes, médecins mais aussi des psychologues et des travailleurs sociaux pour accompagner la détresse psychologique et sociale avec un numéro vert dédié (050021). C’est ainsi que le 20 mai, la DPASS a ouvert l’Espace Santé à Nouméa. Une équipe de la DPASS s’est mobilisée pour prendre des soins relevant de la médecine générale et de la protection maternelle infantile. Les patients ont pu avoir des consultations, renouveler les ordonnances et refaire leurs pansements. Il poursuit : « L’espace santé a été ouvert au public comme un lieu de prise en charge globale des personnes requérant des soins somatiques et psychologiques. L’espace santé a accueilli durant cette période entre 50 et 100 personnes par jour durant plusieurs semaines avant la réouverture des autres centres de l’agglomération (Paita, Montravel puis Dumbéa sur Mer). »
La plateforme d’information de la province Sud SOS NC a été mise en ligne dès le début des émeutes, le 15 mai. Son objectif était de fournir des informations fiables et vérifiées. Cette plateforme disposait d’une cartographie qui, lors des premières semaines des exactions, informait la population sur les magasins d’alimentation, les stations-services et les pharmacies ouverts ainsi que leurs localisations.