C’est dans cet esprit, et avec la ferme volonté de soutenir les milliers de Calédoniens victimes des violences insurrectionnelles qui frappent la Nouvelle-Calédonie depuis le 13 mai, que la présidente, Sonia Backès a réuni l’assemblée de Province ce lundi, pour voter le budget supplémentaire pour l’exercice 2024 et une série de mesures exceptionnelles qui répondent à l’urgence sociale et financière des milliers de familles victimes des exactions.
Un budget de crise centré sur les priorités absolues
Cette assemblée a rendu compte des lourds impacts sur les ressources de la Province depuis le début des exactions, à commencer par la fiscalité additionnelle qui n’est plus versée par le gouvernement depuis 2 mois, et qui est en baisse prévisionnelle de plus de 3 milliards de francs. Conjugués aux retards chroniques de versement des dotations par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, ces exactions ont sapé les capacités financières de la collectivité, qui a décidé de maintenir le fonctionnement de ses services publics, de soutenir le monde économique et les familles, victimes de ces violences insurrectionnelles.
La structure du budget 2024
En recettes : 62,6 milliards de ressources réelles avec :
53,2 milliards de recettes 2024 ;
9,43 milliards de résultat de clôture 2023
En dépenses :
Des crédits destinés aux investissements, interventions et subventions avec : 13,6 milliards d’investissements et 17,8 milliards d’interventions et subventions
36 % des crédits sont affectés aux rémunérations et charges.
Lors des échanges houleux qui ont précédé le vote du budget supplémentaire, la présidente a tenu à remercier les élus favorables à ce budget supplémentaire qui permet de continuer à financer les mesures d’urgence pour soutenir les Calédoniens durant cette crise. La présidente a regretté les attaques du FLNKS, qui a notamment évoqué « la marginalisation d’une partie de la population » selon Amadine Darras.
Une marginalisation démentie lors des échanges par Virginie Ruffenach : « Comment la province Sud a pu marginaliser une partie de la population alors que pendant des décennies, la population n’a cessé de s’y rendre pour bénéficier de ses politiques sociales, éducatives et économiques ? Cette Province a fait en sorte que ses concitoyens viennent s’y installer. Aujourd’hui nous n’avons plus les moyens d’assurer ces services proposés. »
Philippe Blaise quant à lui, a rappelé que la province Sud n’a pas hésité à investir dans ses politiques sociales et de l’emploi : « Depuis le début, on s’est battu pour maintenir les fondamentaux de la politique sociale, alors que nous devons soutenir 75% de la population avec une clé de répartition de 50%. Cette crise que l’on subit n’est pas la conséquence d’un manque d’actions, en revanche, ce sont les décisions politiques de mettre à mal l’économie et de la détruire qui ont des conséquences. Cela a brisé les recettes fiscales de la Nouvelle-Calédonie. Ceux qui ont détruit, ont porté atteinte à leur propre population, car il n’y a plus d’argent pour financer ces politiques très généreuses… Aujourd’hui, nous sommes obligés de faire des choix que nous n’avons pas souhaité. C’est un budget de crises, d’économie de guerre, qui s’impose à nous et que l’on n’a pas voulu. D’où nos propositions et mesures qui, nous l’espérons, pourront aider les victimes, ces milliers de calédoniens, ces entreprises détruites, ces gens dont les maisons ont été brulées et pillées. »
Des mesures fortes et qui n’attendent pas
C’est avec la ferme volonté de soutenir les victimes des exactions, tout en maîtrisant ses dépenses d’intervention que l’exécutif a proposé une série de mesures exceptionnelles parmi lesquelles :
- La modification du dispositif d’incitation à l’installation et du dispositif d’aide à l’équipement ou au rééquipement des médecins et des chirurgiens-dentistes libéraux : l’aide prévue est de 3 millions de francs. Elle peut être majorée à 8 millions en cas de regroupement.
- Des aides aux familles dont le logement a été rendu inhabitable
Depuis le début des exactions, de nombreuses familles de la province Sud ont vu leur résidence principale détruite ou vandalisée. Pour les soutenir, l’exécutif provincial met en place un dispositif d’aide financière exceptionnelle. Ce dispositif implique une aide pouvant aller jusqu’à 3 millions de francs et un accompagnement social.
- Aide à la gestion de crise des commerces et des entreprisses notamment sur les zones ayant subi des exactions
Afin de contribuer à la survie du tissu économique et des entreprises qui n’ont pas encore fait l’objet d’actes de vandalisme ou qui sont encore en activité, la province Sud crée un dispositif exceptionnel d’aide financière à l’embauche de personnel pour préserver les locaux d’entreprises menacées d’exactions jusqu’au rétablissement de l’ordre public.
- La modification relative à l’aide médicale avec la réinstauration d’un ticket modérateur à 20 %
La délibération cadre (du congrès) du 28 décembre 1989 relative à l’aide médicale et aux aides sociales prévoit en son article 24 qu’« En dehors des cas d’hospitalisation, un ticket modérateur égal à 20 % du montant des frais exposés est institué. La somme correspondante devra être payée directement au prestataire de service par les bénéficiaires. (…) / Toutefois, les provinces peuvent par délibération réduire ou supprimer le montant du ticket modérateur. / (…) ».
Ainsi, la modification prévoit la réinstauration d’un ticket modérateur à 20 %, c’est-à-dire à son taux légal de principe et ce à compter du 1er août prochain. Par dérogation, un taux réduit de ticket modérateur (10 %) est appliqué au bénéfice des femmes enceintes, ainsi que des enfants jusqu’à leur troisième anniversaire et des personnes en affection de longue durée. De plus, les dispositions rappellent les catégories de personnes et d’actes qui restent exonérés de ticket modérateur parce que la délibération cadre, dont l’application prime, le prévoit expressément à leur bénéfice.
- L’amélioration du dispositif des obligés alimentaires pour l’aide aux personnes âgées
- Modification relative aux bourses de l’enseignement des premiers et second degré, de l’enseignement supérieur et de l’accès au logement social : Désormais, les bénéficiaires des bourses et aides scolaires ou les demandeurs d’un logement social doivent justifier être résident en province Sud depuis 10 ans révolus.
Rappelant la souffrance de milliers de Calédoniens victimes des exactions, Gil Brial, deuxième vice-président a rappelé l’urgence de voter ces mesures : « cela fait 2 mois que les entreprises ont brulé, cela fait 2 mois que les personnes ont perdu leur toit, ces mesures permettront aux familles à se reconstruire. Un moment, nous devons prendre des décisions, parce que 2 mois, c’est déjà de trop pour ces milliers de personnes. »
Ces mesures ayant suscité de vifs débats, ont été votées de manière nominative à la demande de Philippe Michel dont le groupe Calédonie Ensemble a voté contre, comme celui du FLNKS et de l’Eveil Océanien.
La présidente a proposé aux parties opposées à ces mesures, de proposer d’autres pistes et d’autres propositions rappelant « que ces mesures n’engendreront aucune mise en danger de la vie d’autrui. Ce dispositif ne fera perdre de chance, ou ne mettra en danger la vie de personne parce que la province Sud fait le nécessaire. Aussi, je m’étonne que personne ne se soit indigné lorsque la province Nord a fermé ses dispensaires, mettant en danger de nombreux malades, les obligeant à rejoindre nos CMS que l’on brûle aujourd’hui. »